" Les oratoires... " (2)
ORATOIRE SAINT ROCH
Cet oratoire est curieusement encastré dans un mur de
restanque (restanque ou bancau : nom donné en Provence aux
murs en pierre sèche retenant la terre des terrasses).
En dehors des oratoires dédiés à la Sainte Vierge,
ce sont ceux érigés en l’honneur de Saint Roch qui sont les
plus nombreux. En Provence comme dans beaucoup de
contrées, on invoquait Saint Roch lors des épidémies de
peste.
Né à Montpellier en 1295, Saint Roch consacra
toute son existence au soulagement des pestiférés. Il fut un
jour contaminé et se retira dans un lieu solitaire en attendant
de rendre l’âme. On raconte qu’un chien le trouva, lécha ses
plaies et lui apporta du pain. Le maître du chien découvrit le
saint homme et le soigna jusqu’à sa guérison.
Locution provençale :
Pour se moquer de deux personnes qui avaient du
mal à se quitter, on s’exclamait : Sant Roch eme soun chin !
(Saint Roch et son chien !).
Les Beaussétans faisaient aussi appel à Notre-Dame
du Beausset Vieux pour échapper aux terribles épidémies de
peste : le village ayant été miraculeusement épargné en
1720, le conseil de la communauté chargea les consuls de
faire réaliser un ex-voto sous forme de tableau à l’attention
de Notre-Dame du Beausset Vieux pour témoigner de sa
protection.
Légende :
En 1720, alors que la Grande Peste frappait Marseille
quatre malandrins en profitèrent pour voler les malheureux
ayant succombés à la terrible maladie. Les voleurs se frottaient
les parties du corps exposées avec une préparation à base
de plantes du pays avant de dépouiller les pestiférés. Faisant
suite à leur arrestation, afin de bénéficier de la clémence du
juge, les voleurs donnèrent leur fameuse recette contenant
entre autre thym, romarin, sauge, lavande et ail. D’une
grande efficacité, le vinaigre des quatre voleurs fut reconnu
en pharmacologie et inscrit au codex dès 1748.
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ORATOIRE SAINTE ANNE
Sainte Anne supplia Dieu après de longues années
de stérilité de lui donner un enfant. Son voeu fut exaucé :
elle mit au monde la Vierge Marie et ses deux soeurs. Les
Provençales qui redoutaient la stérilité ne manquaient
jamais de célébrer le 26 juillet la fête de Sainte Anne,
reconnue pour accorder à celles qui l’invoquaient une belle
descendance.
Légende du terroir Sud Sainte Baume :
Sainte Anne demanda à un paysan du Castellet
(commune voisine du Beausset) qui l’avait invoquée et
qu’elle venait miraculeusement de guérir d’une blessure à la
jambe de lui faire édifier une chapelle. Quelques jours plus
tard, la Sainte Vierge lui apparut, lui demandant le résultat. Il
répondit qu’on s’était moqué de lui et que personne n’avait
voulu le croire. Alors la Sainte Vierge ôta de son cou une
belle chaîne en or lui disant : « Prends cette cadène, mets-la
en loterie pour faire construire l’église en l’honneur de ma
mère. »
La chaîne gagnée par un habitant du Brûlat est
toujours restée dans la même famille. On s’empressait de se
faire prêter la sainte chaîne pour la mettre au cou des
femmes lors des accouchements difficiles.
Autre légende du terroir Sud Sainte Baume :
Il y a bien longtemps de cela, dans le village voisin
du Beausset, un paysan de Sainte Anne d’Evenos refusa de
chômer la fête de Sainte Anne. Il s’écria haut et fort devant la
désapprobation de ses congénères : « Qué siégué
Sant’Anno ou Sant Announ, foou qué caouqui moun
garbeiroun ! » (Que ce soit la Sainte Anne ou la Saint Anon,
il faut que je foule mon gerbier !). Mal lui en prit car il fut
aussitôt englouti sous terre avec ses chevaux et son blé
dans “l’iero préfoundado” (l’aire engloutie). On raconte au
pays que l’on entend encore aujourd’hui le galop de ses
chevaux et le claquement de son fouet sur le lieu du
châtiment le 26 juillet, jour de la fête de Sainte Anne.
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ORATOIRE SAINT EUTROPE
Saint Eutrope, né à Marseille au Vème siècle, est le
patron de la paroisse du Beausset. Sa fête est le 27 mai.
Saint Eutrope est invoqué par temps de sècheresse
pour faire pleuvoir. Il est aussi le patron des joueurs de
boules qu’il protège des accidents provoqués par les plus
maladroits d’entre eux.
Les paysans du Beausset venaient souvent l’invoquer
pour obtenir de la pluie. Ils avaient beau le supplier, Saint
Eutrope n’entendait pas toujours leurs prières.
Lorsque la sècheresse menaçait et que les récoltes étaient
en danger, les Beaussétans avaient une bien curieuse façon
de rappeler le saint à ses devoirs : on injuriait et pire encore
on battait sa statue ou on l’arrosait copieusement... Pour
punir Saint Eutrope quand il ne pleuvait pas, on plaçait sa
statue à l’envers dans sa niche. Un jour, un passant non
averti, quelque peu choqué, interrogea celui entrain de
donner une magistrale raclée à la malheureuse sculpture et
s’entendit répondre : “Oh moun bouan moussu, si lou
menavi pas ensin, n’en pourriou ren faïre !” (Oh mon
bon Monsieur si je ne le traitais pas de la sorte, je ne
pourrais rien en tirer !)
Dicton provençal :
Eici, l’aigo es d’or.
Ici, l’eau est d’or.
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SAINTE BARBE
Sainte Barbe est très populaire en Provence. Elle se
fit baptiser au IIIème siècle contre la volonté de son père qui
la livra aux bourreaux. Ceux-ci furent foudroyés au moment
de son martyr. Depuis, on invoque Sainte Barbe contre les
orages. Elle devint la patronne de nombreux métiers ayant
un rapport avec le feu : artilleurs, canonniers, chaudronniers,
cuisiniers, pompiers…
La fête de la Sainte Barbe est une des plus anciennes
traditions ayant déjà cours avant la Révolution. Une
confrérie, vouée à Sainte Barbe et certainement fondée au
XVIIème siècle, regroupait au Beausset les corps de métiers
ayant un lien avec le feu. Autrefois, était notamment stationnée
sur la commune une formation de canonniers garde-côtes. De
nos jours ce sont les pompiers qui rendent, chaque année,
début décembre, à la sainte un vibrant hommage.
Invocation provençale à Sainte Barbe pendant les
orages :
Santo Barbo, Santo flour,
Sainte barbe, sainte fleur,
La crous de noste Segnour.
La croix de Notre-Seigneur.
Quand lou tron petara
Quand le tonnerre grondera
Santo Barbo nous assoustara.
Sainte Barbe nous protègera.
En Provence, la période de Noël commence le
4 décembre, jour de la Sainte Barbe. C’est également à partir
de cette date que les traditionnels lotos étaient autorisés dans
les lieux publics. Suivant la coutume, c’est aussi ce jour-là que
l’on met à germer des grains de blé ou des lentilles dans trois
petites assiettes symbolisant la Sainte Trinité.
Si la verdure se fait haute, verte et drue l’année sera faste.
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ORATOIRE SAINTE MARIE
Autrefois seigneurie ecclésiastique, Le Beausset a pour
patronne et protectrice la Vierge Marie. Le blason du Beausset
qui reprend les armes de la paroisse est l’illustration faisant
référence aux Saintes Écritures ; Apocalypse de Saint Jean
(12:1) :
« Un grand signe parut dans le ciel, une femme vêtue de
soleil, la lune sous ses pieds, une couronne de 12 étoiles
sur la tête. »
Les Chrétiens ont donné à Sainte Marie (de l’hébreu
Myriam), la mère du Christ, différents noms comme par
exemple Notre-Dame, Madone, Vierge Marie. De nombreux
édifices religieux et fêtes aux noms parfois surprenants lui
sont dédiés dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur :
Notre-Dame de l’Aïoli, Notre-Dame des OEufs, Notre-Dame
du Bon Sens, fête de Notre-Dame des Saucisses…
Les Beaussétans empruntent depuis des générations
le Chemin des Oratoires pour se rendre à la chapelle du
Beausset Vieux. La population en fait un lieu de mémoire et
de dévotion à la Vierge, en 1506, après son installation dans
la plaine. La chapelle abrite de nombreux ex-voto qui témoignent
des miracles de Notre-Dame du Beausset Vieux. Sur le
blason du village figure la devise suivante : Baussetensium
Advocata (l’Avocate du Beausset).
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ORATOIRE SAINT PIERRE ET SAINT PAUL
Situé à l’emplacement de l’ancien village perché, cet
oratoire se démarque des précédents par ses deux niches
jumelées.
On ne peut séparer Saint Paul et Saint Pierre qui
sont considérés comme les deux piliers de l’Eglise. Jamais
la Tradition ne les a fêtés l’un sans l’autre.
Saint Paul et Saint Pierre périrent sous l’empereur
Néron : le premier martyrisé sur la croix la tête en bas, le
second décapité.
Dicton provençal :
Entre san Peiroun et san Paulet
Entre Saint Pierre et Saint Paul
Planto lou pouerri et lou caulet
Plante les poireaux et les choux
Gare à ce malicieux dicton ! Saint Pierre et Saint Paul
sont fêtés à la même date : choux et poireaux seront donc
plantés le 29 juin. C’est avec la fête de Saint Pierre et de
Saint Paul que se termine le cycle de la Saint Jean, une
grande période de réjouissance en l’honneur du solstice
d’été à laquelle les Provençaux associaient aussi Saint Eloi.
Autre dicton :
Saint Paul et Saint Pierre pluvieux est pour trente
jours dangereux, mais si la journée est saine elle annonce
une année sereine.
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ORATOIRE SAINT LUCIEN
Réalisé en 1977 par les Travailleurs Bénévoles du
Beausset Vieux en hommage à l’abbé Lucien BAUD fondateur
de l’association qui a rénové en grande partie le sanctuaire de
1961 à 2000.
La niche de pierre sculptée à toiture à 2 pans provient
de la partie supérieure (linteau) de la porte de l’ancienne
chapelle des pénitents blancs de la rue Victor Hugo.
Jalonnant la voie de pèlerinage menant à la chapelle
Notre-Dame du Beausset Vieux, s’élevant à la croisée des
chemins dans la plaine ou érigées dans des propriétés
privées, une cinquantaine d’émouvantes constructions nous
invitent à découvrir la mystique des oratoires sur la commune
du Beausset.
L’ORATOIRE
Demain, lorsque vous irez
Chantant le long des sentiers,
Grimpant vers des cieux d’azur,
Coeurs joyeux, âmes pures,
Saluez aux carrefours
Déférents, avec amour,
Ces montjoies immobiles
Qui portent en eux
Le trait indélébile
Souvenir de nos aïeux.
Pétrus. 16/02/2004
Poème de Monsieur Pierre SALICETI, membre du
Centre Archéologique du Var et des Amis du
Beausset Vieux, spécialiste des monuments
religieux de l’Ouest toulonnais.